Cette affiche fut réalisée par le CEA (comité d’étude anti-bolchévique), un organisme de propagande franco-allemand à la demande des Allemands qui souhaitaient frapper un grand coup après le retentissement de l’assassinat du général Ritter (chef du STO en France) par le réseau Manouchian.
En 1944, la résistance est organisée et active. En effet, depuis 1942 et la création du CNR (conseil national de la résistance) par Jean Moulin, la résistance est structurée, disciplinée, sous les ordres de Londres et du Général De Gaulle. A Paris, des résistants communistes d’origine étrangère sont réunis dans les MOI (main d’œuvre immigrée), section appartenant aux FTP (francs tireurs partisans) communistes. Bien qu’étrangers, ou d’origine étrangère, ils souhaitent lutter contre le Nazisme et contre l’occupant allemand. En 1944, le poète d’origine arménienne Missak Manouchian devient le chef de ce réseau très performant qui devient rapidement célèbre par des coups d’éclat (assassinat d’Allemands et de collaborateurs, sabotage de convois allemands, assassinat de Ritter, un général allemand responsable du STO en France…).
En 1944, suite à une trahison, le réseau est neutralisé par une vague d’arrestations. Torturés longuement puis exécutés, les membres du réseau Manouchian sont durement traités. Cette affiche fut réalisée suite à leur arrestation. Elle a été placardée à 15 000 exemplaires dans les lieux publics pendant la période de l’Occupation allemande, au moment du procès puis de la condamnation à mort des membres du groupe Manouchian.
Les 22 hommes seront fusillés le 21 février 1944 au fort du Mont-Valérien. Olga Bancic, la seule femme, sera décapitée un peu plus tard, en application du manuel de droit criminel de la Wehrmacht interdisant de fusiller les femmes. L'affiche sert à la propagande nazie qui stigmatisera l'origine étrangère de la plupart des membres de ce groupe.
> Composition de l’affiche : - un texte en haut, blanc sur rouge, à la forme interrogative; un texte en bas en guise de réponse. - 10 portraits en médaillons, accompagnés de leur légende, disposés en pyramide inversée. - 5 photos rectangulaires, peu organisées (impression de pêle-mêle) Les portraits forment comme une flèche qui cible Manouchian, le chef du réseau, et qui pointe les dégâts humains et matériels causés par ce réseau. Le choix des couleurs est important : symboliquement, on trouve du rouge, souvent associé à l’idée d’agressivité, de sang, de violence et du communisme, or ces «terroristes » sont des communistes, pour certains des anciens des brigades rouges, l’usage du rouge permet ainsi d’assimiler communisme à terrorisme; et du noir, qui connote la mort.
> Les portraits : On voit dix photographies ( sur les 23 membres du réseau qui seront exécutés). Ces photos ne sont pas choisies par hasard : elles montrent des hommes mal rasés, hirsutes, aux mines inquiétantes et qui pour la plupart semblent détourner le regard, avec des parties du visage dans l’ombre (impression de manque de franchise) Ces photographies ont été prises avant leur exécution, soit après des heures de torture. Ils sont accompagnés des noms à consonance étrangère de ces hommes, souvent difficiles à prononcer pour un francophone. Les créateurs de l’affiche tentent de faire renaître la xénophobie et l’antisémitisme chez les Français, des réactions primaires qui trouveront peut-être un écho dans une frange de la population Ensuite, on trouve un mélange d'informations disparates: religion, nationalité, appartenance politique. La dernière ligne semble indiquer les faits reprochés à ces personnages.
> Les cinq photographies : Elles représentent des méfaits prétendument réalisés par les terroristes: morts, trains déraillés… La photo centrale est une présentation des armes utilisées. > Le texte : Une question en haut : « Des libérateurs ? », à laquelle le reste de l’affiche tend à répondre par la négative : Manouchian et ses hommes sont présentés comme des terroristes, des étrangers dangereux pour le peuple français. La réponse au bas en donne confirmation, puisqu’ils sont désignés par l’expression « armée du crime », ce qui enlève toute légitimité aux actes de résistance de ces hommes.
> CONCLUSION Cette affiche de propagande nazie visait à décrédibiliser l’action de ces résistants, notamment à cause de leurs origines ; il s’agissait de jouer la carte du racisme et de l’antisémitisme pour leur retirer tout soutien populaire. Il est difficile de mesurer l'impact réel de cette affiche sur les Français, mais il est certain qu'ici et là des mains anonymes ont déposé des fleurs au pied de ces affiches ou ont collé dessus des bandeaux où l'on pouvait lire : “Des martyrs”, ou “Oui ! L'armée de la Résistance”. Il est clair, en tout cas, que la propagande nazie n'a pas atteint son but. Cette affiche est au contraire restée célèbre comme symbole de l’engagement, et a donné lieu à de multiples expressions artistiques, comme le poème d’Aragon ou ensuite la chanson de Ferré…
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